L’opposition dans le thème natal

5 octobre 2021 Non Par L'Echelle Humaine

Didier Fleury

Introduction

L’opposition dans un thème est une séparation de 180° entre deux fonctions planétaires en résonance. Ces fonctions planétaires sont des parts de notre vécu. Comment les vivons-nous en opposition ? Quel fonctionnement psychologique induisent-elles ? Quelle conscience de la vie renferment-elles au- delà du comportement qu’elles provoquent ? C’est ce que nous allons voir à travers quelques exemples illustrant ce propos.

Nature de l’opposition

Pour comprendre la nature profonde de l’opposition, il faut se rappeler ce que Jung disait : Quand l’individu demeure divisé, et ne devient pas conscient de sa contradiction interne, le monde est forcé de rejouer le conflit, en se déchirant en deux parties.

Symbole de l’opposition

L’opposition montre ce qui est divisé en nous. Son fonctionnement, en tant qu’aspect, dépend largement de la conscience que nous avons ou non de cette division. Tant que celle-ci est inconsciente, rappelle Jung, c’est-à-dire non perçue comme étant à l’intérieur de nous, et nous appartenant, elle se met en acte en divisant le monde. L’opposition est une séparation.

Avec l’opposition, l’astrologie nous permet donc d’étudier nos divisions internes et de saisir comment elles se manifestent. Le propre de l’aspect d’opposition est d’être toujours perçu, au moins dans un premier temps, au-dehors et non à l’intérieur de nous.

Repérage cyclique.

Avant d’étudier le fonctionnement concret de l’opposition, il faut cerner sa situation dans un cycle.

Tout aspect dans un thème est l’empreinte d’un changement de relation entre deux planètes. L’opposition indique que ces deux planètes sont parvenues au maximum d’écart dans leur cycle de relation. On peut se figurer aisément ce rapport particulier entre 2 pôles en observant la pleine Lune dans le ciel, témoin d’un écart angulaire de 180° entre la Lune et le Soleil par rapport à la Terre comme le montre le schéma suivant :

 

Une opposition est donc un aspect astrologique indiquant un rapport angulaire de 180° dans un thème géocentrique. Les oppositions ne sont pas rares dans un thème, d’autant moins que l’orbe de l’opposition est d’environ 10 degrés, ce qui est large. Le propre de l’opposition est de marquer le passage entre l’hémicycle de croissance, pendant lequel la deuxième planète s’éloigne de la première, et l’hémicycle de décroissance où se produit le retour de la planète vers la conjonction-origine (marquée par l’emplacement du Soleil dans notre exemple). C’est à l’opposition que se produit une inversion de direction du cycle par rapport au point d’origine (la conjonction), et cela compte dans la compréhension de cet aspect, si, comme l’a montré Rudhyar, nous regardons tout aspect comme issu d’un processus dynamique indiqué par les phases.

Signification de l’opposition

L’opposition divise le cycle en deux hémicycles dont on connaît bien les significations élémentaires montrées par l’astrologie humaniste : moi, pour l’hémicycle de croissance, et les autres, pour l’hémicycle décroissant. L’hémicycle de croissance évoque le cheminement de la vie, de la conception à la construction du moi, c’est-à-dire à la capacité de dire je suis en toute conscience. L’hémicycle de décroissance est une autre page du processus : c’est l’intégration du je suis dans  le collectif, le nous, et par là l’accroissement de la conscience des autres. Le point situé à 180° de la conjonction, et qui forme l’opposition, indique le moment où l’on passe d’un hémicycle à l’autre. À ce moment, le sujet peut naître à lui- même, dans la conscience de ce qu’il est. C’est en effet par la différence acceptée entre moi et les autres que se crée une identité propre et consciente d’elle-même. L’opposition est ce moment-là.

L’opposition est donc ce moment particulier où le cycle bascule entre le je et l’autre. Un moment de conscience de l’altérité, de la différence. L’opposition est à la frontière des deux hémicycles, à la rencontre de l’autre. L’Astrologie structurale ® relie les phases au processus de naissance du bébé, et l’opposition se place alors au moment de la coupure du cordon ombilical. Nous avons tous, au niveau organique, connu ce moment quand le cordon qui nous reliait au ventre de notre matrice a été sectionné. Cette coupure fait du bébé naissant un être « séparé » de sa mère, un être organiquement autonome et non plus relié.

Conséquences psychologiques

Au niveau psychologique, ce moment se reproduit quand nous sommes amenés à prendre conscience de l’autre en tant qu’être « dissemblable », en tant que non-moi. Toute opposition nous renvoie à notre séparation. La grande question de l’opposition est l’acceptation ou non de notre séparation.

C’est pourquoi deux options se profilent. Le passage à l’opposition dans un cycle soit génère une conscience de l’autre accepté avec toute sa différence, soit se vit dans le refus de la séparation, donc de cette différence. Le moyen de refuser la séparation, au niveau psychologique, est de projeter sur l’autre ce que nous sommes nous-mêmes. À ce moment-là, nous sommes persuadés que l’autre est porteur de ce que nous voulons lui donner, nous croyons qu’il perçoit, vit et ressent comme nous. Nous ne voyons pas de raison d’en douter. Nous l’exigeons comme une normalité. C’est de la fusion, mais l’opposition tiraille et nous invite à en sortir.

Avec une opposition dans le thème, on va, dans un premier temps, éviter de sentir notre séparation en évitant de voir que l’autre est différent. Mais pourquoi éviter de voir cela ? Parce que la coupure initiale du cordon ombilical est une perte de la fusion qui ne se fait pas volontiers. Nous ne souhaitons pas la renouveler au niveau psychologique. Nous allons donc aller vers autrui comme vers un autre nous-mêmes, cependant, quand nous sommes assez proches, nous reculons afin d’éviter la rencontre avec « l’alter », dont la seule altérité démontre notre séparation. L’opposition a en effet un fonctionnement ambigu fait d’attraction et de répulsion, ce que l’on peut comprendre par l’observation de deux aimants dont les pôles combinés diversement s’attirent ou se repoussent.

Tant que la différence n’est pas acceptée, l’opposition fonctionne dans une course inlassable vers la réunion – la fusion – des deux pôles, c’est-à-dire des deux fonctions planétaires mises en jeu. Mais l’opposition a besoin de recréer constamment la distance.

L’opposition a comme caractéristique d’être énergique, dans le mouvement. Elle rend dynamique à propos des deux fonctions planétaires en cause. L’opposition n’est point aussi crispée que le carré, qui marque, quant à lui, un conflit. L’opposition n’est pas bloquée, elle est toute préoccupée, dynamiquement, de sa division ! Ce n’est que vers le milieu de la vie que l’opposition quitte sa fuite en avant pour stationner dans l’indécision, dans le non-lieu. Et c’est alors le moment de prendre conscience de son flottement pour donner l’impulsion qui va permettre l’ouverture à l’autre. Vers quoi je courre ? Vers le Paradis perdu. Je ne l’atteint jamais, mais je continue à courir. À un niveau évolutif, l’opposition est détachement de ces projections en avant. On va pouvoir assumer le deuil de « l’autre qui me ressemble », pour accepter la rencontre de ce qui est inconnu. (1)

Cas pratiques

Prenons le cas d’Yves, qui a dans son thème une opposition Soleil – Saturne. Ce Soleil est en maison V. Yves est  très créatif. Il est metteur en scène, mais il a du mal, en tant qu’homme de théâtre, à s’insérer dans sa profession et par là dans la société. On reconnaît là les significations courantes du Soleil et de Saturne. La créativité de la personne, son génie personnel (☼), et la structure sociale (􏰃Saturne). L’opposition conduit Yves à se livrer à une course vers la légitimité sociale. Une opposition n’est jamais passive car la personne est engagée dans un aller-retour entre les deux fonctions planétaires, entre la fascination (pour) et la répulsion (contre). Ce que vit Yves, c’est le refus d’insérer sa créativité dans un cadre, de s’installer dans une maturité. Il veut rester léger. En échange de cette légèreté, il lui est bien difficile de parvenir à maturité. L’opposition va mettre Yves en face de la société, et de ses responsabilités, mais il se sent éloigné d’elle. Yves va rencontrer des gens saturniens, rigoureux, qui paraîtront même bornés et vont limiter sa créativité, car l’opposition va le mettre face à lui-même, face à sa propre division Soleil – Saturne. Yves va refuser tous les cadres : « J’ai préféré la difficulté d’une vie ardue à tous les cadres ». Mais l’opposition est dynamique, elle va vers l’autre pôle, ici Saturne. Yves tentera plusieurs métiers, mais chaque fois son manque de structure lui rend la vie particulièrement incommode. Il fait du théâtre, mais doit s’y débrouiller seul, sans aide et sans structure. Le Soleil en maison V s’oppose par l’aspect à Saturne en maison XI. La maison XI est le secteur du thème où l’individu est reconnu par la collectivité. Il devient irremplaçable pour elle. Yves est dans une quête de reconnaissance professionnelle, parce qu’il était dans une quête de reconnaissance de son père (Saturne dans le thème), qui s’est opposé (le nom de l’aspect est parlant) à la créativité de son fils sans la rejeter entièrement. La dynamique d’Yves est alors d’aller vers Saturne, sans y arriver. De créer (Un Soleil en V) sans parvenir à en faire un métier qui a une régularité, et profite d’un soutien social et professionnel. L’opposition se dit : « J’y vais pour ne pas y arriver ». À l’inverse d’un aspect qui bloque, l’opposition est en mouvement. Yves est inlassablement à la quête de son insertion sociale.

L’opposition se fait aussi bien sentir dans Mercure qui est conjoint au Soleil dans le thème d’Yves, également en opposition à Saturne. Mercure, en maison V comme le Soleil, gouverne la maison II. L’opposition à Saturne génère une course pour gagner sa vie par l’écriture, ce qui est indiqué par Mercure en maîtrise et en maison V, mais l’écriture comme métier reconnu ne se met pas vraiment en place malgré la quête. Il y a des réussites, mais pas des aboutissements.

Qu’il soit question du Soleil ou de Mercure, Yves a le sentiment qu’on ne lui dit pas merci. Pas de retour d’ascenseur. C’est de Saturne en maison XI dont Yves est coupé. Les gens du métier ne le reconnaissent pas. Ce que Yves ne voit pas, c’est qu’il a face à lui des gens insérés, qui ont acquis de la rigueur professionnelle, de cette rigueur avec laquelle il ne se réconcilie pas à l’intérieur de lui. Malgré les efforts (attraction vers Saturne), ça ne « colle » pas vraiment, et si l’on propose à Yves un cadre de fonctionnement, c’est-à-dire Saturne, il va estimer que cela l’officialise, étouffe sa créativité, nie sa liberté d’artiste. Yves a réussi à éditer un livre, mais l’éditeur, brinquebalant, est parti avec la caisse. Mercure gouverne la maison II, et c’est dans la maison gouvernée que va se faire sentir l’aspect à Saturne, par des problèmes d’argent, des impayés. Entre autres tribulations, Yves a été interdit bancaire pendant 10 ans. Sa banque ne le soutient plus. Et ceci n’est pas une fatalité infligée par le cruel Saturne, bien entendu ! C’est la projection dans le monde d’une division interne.

Dans le thème d’Eugénie, une jeune femme parvenue à maturité, on trouve une opposition Mars – Saturne qui va concerner sa relation avec les hommes (♂). Eugénie va vers des hommes qui se refusent, qui lui disent non. Le propre de Saturne en aspect difficile à une autre planète est d’inhiber cette dernière par des murs, des limites pesantes. Au lieu d’être soutenue constructivement, la planète aspectée par Saturne doit faire avec des freins. La division Mars – Saturne dans le thème d’Eugénie l’empêche de s’engager dans une relation, mais l’entrave vient de l’autre, car la nature de l’opposition est de porter sa division dehors. Eugénie a conscience de la nature de sa difficulté, car à l’âge où elle arrive l’opposition fait sentir sa charge. Le mouvement dynamique de l’opposition s’épuise en quelque sorte, et il faut bien résoudre son indécision. Il n’y a pas de résolution possible de l’opposition tant qu’un des termes est projeté sur l’autre, car cette projection empêche de voir la division à l’intérieur de soi.

Alice, jeune fille de 23 ans, a pour sa part une opposition Vénus – Lune dans son thème qui touche sa vie amoureuse. Vénus est en Poissons, en exaltation, et va donner à l’amour une qualité idéaliste. L’homme dont elle est amoureuse ne s’engage pas avec elle, car il est encore endeuillé d’une précédente rupture affective. Cette Vénus Poissons est attirée par la souffrance de l’autre parce qu’elle sait soigner les sensibilités froissées. Au début de sa relation, Alice était très dévouée, très attentive pour cet homme, mais sans résultat. Il ne se rapprochait pas. Alice s’est sentie lésée comme on peut l’imaginer.

Puis les rôles se sont inversés. Elle a pris de grandes distances, et le garçon s’est rapproché d’elle ! Dans ce jeu de l’amour et du hasard, l’opposition a maintenu la séparation (ce qui a des airs saturniens) alors même qu’il y a une quête d’intimité (Lune) dans la relation amoureuse (♀). Alice est arrivée à vivre ce qu’elle souhaitait, mais elle n’est pas sûre de vouloir rester avec le garçon. Une ambiguïté persiste. Dans les détails, les planètes vont fonctionner en signes et en maisons. La Lune est en Vierge, et cette Vénus idéaliste rencontre le côté terre-à-terre de la Vierge.

L’opposition fonctionne comme le magnétisme. Les deux pôles planétaires ne peuvent être isolés et fonctionnent comme des paires opposées. On peut utiliser l’image des aimants pour bien comprendre ce phénomène qui se produit dans l’ordre psychologique. La répulsion des pôles semblables de deux aimants n’est ni plus ni moins que la force appliquée aux aimants pour les maintenir ensemble. L’opposition est la projection d’un pôle sur l’autre, ce qui fait de l’autre pôle un semblable. Si je suis le pôle sud, je vois l’autre comme un pôle sud. Or, la répulsion de deux aimants l’un pour l’autre se produit lorsque deux pôles identiques sont maintenus ensemble par la pression. L’opposition fonctionne ainsi parce qu’elle tend à écarter la différence à la faveur d’une recherche de soi en l’autre, s’appliquant ainsi à fusionner ce qui ne peut pas l’être.

Ce n’est qu’en restituant à l’autre sa différence (si je suis le pôle sud, l’autre est un pôle nord et non un autre pôle sud) que l’opposition va pouvoir terminer sa course et enterrer sa tension. L’opposition va proposer de rencontrer l’autre dans sa différence, c’est-à-dire de rencontrer une réalité étrangère. Pour Alice, il s’agira d’accepter qu’elle ne soit pas aimée comme elle aime, parce que son ami n’est pas son double et voit les choses autrement. Pour Yves, ce sera accepter que le milieu professionnel ne fonctionne pas comme lui. Que la création y est autre chose que sa façon de créer.

Que l’on regarde la position de 2 planètes en opposition pour mieux comprendre. L’une d’elle est à la conjonction. Cette planète va demander à la planète en face de se comporter à la façon de la conjonction, dans l’union. Cela va être refusé par l’autre planète, porteuse de séparation et de différence, car elle se trouve pour sa part dans l’opposition. La deuxième planète (que l’on va trouver dans le monde faute de la voir en soi) va initier pour la première une rencontre avec l’objectivité, une réalité autre. Le passage au mode évolutif de l’opposition, ainsi que le montre l’Astrologie Structurale, se fera en cessant de prendre l’autre pour support de sa projection. Et cela, c’est accepter d’être adulte, vivant en soi, et non dans l’ombilicale indifférenciation. Les opposés sont complémentaires. Dans l’opposition, il y a de la complémentarité, car cet aspect met théoriquement en regard 2 signes liés du zodiaque, fonctionnant à l’inverse l’un de l’autre (la maîtrise de l’un étant l’exil de l’autre pour ne citer que cela). L’opposition cherche cette complémentarité de manière naïve. Toute opposition invite à quitter un regard naïf sur l’autre.

Il s’agira de regarder la réalité du monde et/ou de l’autre, et par là de grandir. Ce faisant, on constate que la division est à l’intérieur de soi. Il est alors temps d’avoir un autre regard sur ses propres divisions. L’Astrologie Structurale s’est fait une spécialité du niveau de regard évolutif sur les aspects. Nous sommes séparés parce que nous sommes nés, et cela a coupé les amarres qui nous rattachaient à notre matrice. L’intégration acceptée de la coupure du cordon ombilical libère de la course à la complémentarité. Une opposition est une crispation liée au désarroi primaire de se séparer. Il faut pourtant se résoudre à perdre.

Conclusion

Rudhyar montre que l’opposition est toujours l’indice d’un haut degré de développement des fonctions planétaires impliquées. Il ne reste à la personne qu’à se saisir de ce développement par une compréhension objective plutôt que d’investir ce lieu du thème (l’opposition) de ses pulsions seules. À ce moment-là, le transfert se fait entre l’hémicycle de croissance et celui de décroissance, entre la vie instinctive infantile et la conscience objective de l’autre, conscience adulte. Tout l’affrontement que connaît la personne dans sa vie revient à cela. L’opposition nous place face à notre regard d’enfant qui ne connaît pas l’objectivité. Il va falloir rompre le charme et appliquer sa conscience à voir les réalités. L’opposition invite à exercer une lucidité. Quand cette conversion est faite, la personne révèle un potentiel de conscience jusqu’alors employé à déchirer le monde. L’apparition d’un autre regard va nous permettre de re- trouver le lien, qui pouvait sembler perdu, hors des brumes de l’illusion, sous une forme consciente. Accepter de voir la différence, de perdre la fusion de la conjonction, va nous rendre vivant d’une vie autonome.